MIRABEAU dans la révolution chez F. Furet

Publié le par DAN

 

"Il faut lire la "correspondance secrète" de Mirabeau pour mesurer à quel point la politique révolutionnaire, quand ses acteurs n'en ont pas intériorisé les éléments comme un crédo, est par excellence le domaine du double langage. ..
Il (Mirabeau) défend dans ses notes secrètes à Louis XVI la même politique qu'à l'Assemblée, dans ses discours publics : celle d'une monarchie populaire et nationale, ralliée à la Révolution, mandataire de la nation contre les corps privilégiés de l'Ancien Régime, et d'autant plus forte de n'avoir plus à régner que sur des individus. 
Mais cette politique, qui est clairement exposée dans ses notes secrètes, il faut la deviner entre les lignes de ses discours :c'est qu'à l'assemblée constituante, guetté par ses adversaires, surveillé par les tribunes, s'adressant à l'"opinion", ce lieu qui n'est nulle part, et déjà partout, il doit parler le langage du consensus révolutionnaire, où le pouvoir est dissous dans le peuple."
FF.p 64
 
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"La nature semblait avoir moulé sa tête pour l'empire ou pour le gibet, taillé ses bras pour étreindre une nation ou pour enlever une femme." Chateaubriand -Mémoires- cité CZ p.437 

 
 

"Les hommes et les groupes passent leur temps à vouloir "arrêter" la révolution, mais chacun à son profit, à sa date et contre le voisin.
Mounier et les monarchiens, partisans d'une sorte de whiggisme français, l'ont fait dès Août 89. Ensuite, Mirabeau et La Fayette, tout au long de l'année 1790, en même temps, mais chacun pour son compte.
Enfin, le triumvirat Lameth-Barnave-Du Port, dernier rallié, après Varennes, à une politique modérée de royalisme constitutionnel.
Mais ces ralliements successifs n'ont lieu qu'après une surenchère révolutionnaire destinée à garder le contrôle du mouvement populaire et à discréditer les rivaux; faute d'atteindre leur premier objectif, ils réussissent si bien dans la réalisation du second que l'arme seretourne contre eux-mêmes et contre tout "modérantisme".
FF.p 61
  

  François FURET "La Révolution française" Quarto Gallimard 
 

"Le député d'Aix (Mirabeau) plaide que la Révolution a emporté sans retour l'Ancien Régime, mais qu'elle n'est pas le moins du monde incompatible avec une monarchie renouvelée : l'existence d'une société faite d'individus égaux, par opposition à l'ancienne société des corps (..) est au contraire favorable à un pouvoir royal fort.
Mirabeau n'a jamais été à l'aise avec l'idée d'une souveraineté quasiment absolue attribuée dans les faits à la représentation; il y a toujours dénoncé le risque d'une aliénation de la volonté de la nation à une oligarchie parlementaire.
Contre ce dérapage, la présence d'un roi fort est une garantie : n'est il pas d'ailleurs l'incarnation de l'histoire nationale, venue du fond des âges, unissant le passé au présent, et donnant à la démocratie l'ancrage de la tradition ?
Mirabeau, c'est Chateaubriand avec trente ans d'avance : il n'est que de "nationaliser" la monarchie.
La monarchie choisit au contraire d'offrir le spectacle de sa séparation d'avec la nation. La réponse de Louis XVI à la politique proposée par Mirabeau, mort en Avril, c'est Varennes, en juin.
De ce dialogue manqué, de cette politique jamais tentée, il ne serait pas équitable d'attribuer la seule responsabilité au roi; on a vu que l'esprit de la Révolution n'a guère laissé d'espace, de son côté, à une rétrocession partielle de l'autorité publique."
FF. p 322,s.

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