Sur la Constitution et la Révolution, P-V. Malouet (1791).

Publié le par DAN

 

Le document qui suit est extrait d'une lettre de P-V. Malouet, présenté comme un chef du parti monarchien, à de Montjoye auteur d'une "Histoire de la Révolution". Dans ce document Malouet analyse brivèvement les enjeux et les forces dans les premières années de la révolution et met en évidence la stratégie des "modérés".
Peut être aussi une leçon de politique pour les périodes troublées qui viennent. 

" .. C'est sans doute une fiction très ingénieuse que de me mettre en scène avec Mirabeau, et de nous confronter avec des phrases détachées de nos écrits qui se raccordent sur plusieurs points.
On pourrait prendre également des passages de Thélémaque qui s'accorderaient parfaitement avec plusieurs paragraphes de Mirabeau.
Vous nous composez ainsi l'un à l'autre, un corps de doctrine qui ne diffère que dans les moyens d'éxecution.
Je réclame contre cet exposé, quoique tous les articles du dialogue que vous m'imputez, m'appartiennent. Il est très différent de les présenter comme un plan arreté par moi avant la révolution, ou comme des discours prononcés dans le cours de la révolution; vous trouverez alors que ce qui serait inconsidéré, dangereux dans le premier cas, pourrait être à une autre époque, prudent et raisonnable.

Si, au lieu de provoquer des innovations, j'ai voulu les limiter, les modifier; si loins de contribuer à une révolution, j'ai, dès le commencement, employé tous mes moyens à en prévenir les funestes effets, vous n'avez pas le droit de me présenter comme étant arrivé aux Etats Généraux avec un système de gouvernement arrêté, et cherchant à le faire prévaloir. ..

.. Ne voulant rien par la force, ne voulant pas, sur toute chose, la dissolution du gouvernement, si j'ai cru mal-à-propos qu'on pouvait obtenir par la seule raison tout ce qui paraissait juste et utile, qu'elles que fussent mes opinions, elles ne pouvaient être dangereuses. ...

... Il est certain que prévoyant de grands changements dans l'organisation des Etats Généraux .. j'avais cru pourvoir à toutes les difficultés par cet article : "Soit qu'on adopte l'opinion par tête, ou l'opinion par ordre, nous désirons que l'influence des communes soit égale à celle des deux autres ordres." Voilà comment j'étais autorisé à défendre le système des deux chambres ...

Qu'importe ma prédilection pour telle ou telle constitution, si je ne me suis jamais écarté de ce principe, qu'une constitution sage ne peut résulter que de la réunion des voeux et de la conciliation de tous les droits, de tous les intérêts légitimes ? ...

... Voilà ce que vous trouverez aussi dans mes cahiers, et je n'avais pas d'autre système arrêté, en arrivant aux Etats Généraux, que le prince ne soit pas le seul arbitre de la loi, que les représentants du peuple y concourent par leur proposition ou leur consentement.
Tel était le voeu général en 1788, et ce voeu était celui d'une constitution qui fixat irrévocablement comment il serait accompli. ...

... J'ai vu, en 1788, sous le minisyère de M. l'archevêque de Sens, tous les avant-coureurs d'une révolution dans le gouvernement.
Trois partis étaient déjà prononcés, l'un voulait s'attribuer toute la portion d'influence, dont il dépouillait le roi, en résistant auxprétentions du tiers-état.
Le second annonçait une guerre ouverte aux deux premiers ordres, et posait déjà les bases d'un gouvernement démocratique.
Le troisième parti, qui était alors le plus nombreux  quoiqu'il fut celui des hommes les plus sages, voulait des tempéraments, des réformes, des améliorations et point de de révolution.
C'est dans ce troisième parti que je me suis rangé et j'y suis resté constamment, car j'y suis encore.

... Comment se sont établis la plupart des gouvernements ? Par la force; comment se soutiennent ils ? Par un sage emploi de la force - Je ne me suis donc pas cru en droit de dire à l'assemblée nationale, quoiqu'elle se fut constituée telle, contre mon avis :"tu n'est pas le corps législatif". - Je l'ai considéré comme puissance publique du moment ou je n'ai vu aucune ville, aucune province, aucune armée lui contester cette qualité. -
J'admire fort le courage de ceux qui, après avoir bien assuré leur position, ont décliné la juridiction de cette assemblée; mais moi qui restait en son sein, j'ai mis mon honneur et mon courage, non pas à lui contester ses pouvoirs, mais à jamais consentir qu'elle en abusât. ...

... Si on avait fait une bonne constitution, malgré la destruction des ordres, j'y aurais applaudi, et je l'aurais défendue avec autant de zele que j'en ai mis à attaquer tout ce qui me paraissait vicieux dans les nouvelles lois .. et quand je me défends avec autant de vérité, d'avoir contribué à la révolution, je me tiendrais honoré d'avoir provoqué toutes les réformes que sollicitait le véritable intérêt du peuple .." 

Source : Gallica-bnf.fr 

Lire aussi

A propos de la constitution monarchique d'A. Barnave (1791).

Menu "La Constitution de 1791" (extraits) 

Autres écrits de PV. Malouet

L'esclavage et la traite des noirs - Malouet (1788)

Le Club des Jacobins, naissance d'une aristocratie politique. (P-V Malouet)

 
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