Figure du catholicisme social, Albert de Mun (1841-1914)
"Moraliser le capitalisme", l'objectif n'est pas nouveau et la courte intervention parlementaire d'Albert de Mun prouve que cet objectif eut en d'autres temps un contenu. Ce contenu peut encore nous aider dans notre réflexion, l'avenir ne dépend que de nous. | ||
La nécessité de la loi sociale Discours à la Chambre des députés | ||
Albert de Mun (1841-1914) est député du Morbihan (1876-1878 et 1881-1893), puis sera député du Finistère (1894-1914). Député monarchiste, il se rallie à la République en 1893. Il intervient à la Chambre dans les questions sociales et en matière de politique étrangère. Au début de 1884, la crise économique provoque le chômage de nombreux ouvriers notamment dans l'industrie du bâtiment. A l'ouverture de la session, Langlois, député de Seine-et-Oise, disciple de Proudhon, dépose une interpellation sur la politique économique du Gouvernement Jules Ferry. la discussion dure dix jours. Elle aboutit à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de travail dans le commerce, l'industrie et l'agriculture. Le 25 janvier 1884 Albert de Mun monte à la tribune et pose la question sociale. | ||
"Voilà dans quelle pensée je monte à la tribune, et, je n'ai pas besoin de le dire, l'esprit bien libre de toutes les arrière-pensées qui, dans un débat parlementaire, peuvent toucher aux intérêts ministériels, dans lesquels nous n'avons rien à voir. Mon intention est de parler pour la Chambre et pour le pays qui nous entend, plutôt que d'interpeller un ministère. Depuis un siècle, des doctrines nouvelles se sont levées sur le monde, des théories économiques l'ont envahi, qui ont proposé l'accroissement indéfini de la richesse comme le but suprême de l'ambition des hommes, et qui, ne tenant compte que de la valeur échangeable des choses, ont méconnu la nature du travail, en l'avilissant au rang d'une marchandise qui se vend et s'achète au plus bas prix. L'homme, l'être vivant, avec son âme et son corps, a disparu devant le calcul du produit matériel. Les liens sociaux ont été rompus ; les devoirs réciproques ont été supprimés ; l'intérêt national lui-même a été subordonné à la chimère des intérêts cosmopolites, et c'est ainsi que la concurrence féconde, légitime, qui stimule, qui développe, qui est la nécessaire condition du succès, a été remplacée par une concurrence impitoyable, presque sauvage, qui jette fatalement tous ceux qu'elle entraîne dans cette extrémité qu'on appelle la lute pour la vie. Dans ce combat à outrance, l'abaissement du prix de revient est devenu la grande nécessité, la grande préoccupation des producteurs. Comme, dans toute entreprise industrielle, les frais généraux ne varient guère, il a fallu, pour arriver à cet abaissement du prix de revient, augmenter sans cesse la production, cette surproduction, favorisée de toutes manières par tous les développements de l'industrie moderne, par toutes les forces nouvelles que le génie de l'homme arrache à la nature, par la vapeur, par l'électricité, par l'outillage toujours perfectionné, cette surproduction a eu ce corollaire immédiat : l'excès du travail. Je ne voudrais rien dire Messieurs, qui dépasse la mesure, je ne voudrais pas aller au delà de ce qui est juste et légitime ; mais je ne puis m'empêcher d'insister là-dessus, parce que c'est le point capital, celui qui touche directement à la condition de l'ouvrier : on a abusé du travail, et des forces de l'homme...." | ||