Orwell critique du libéralisme, par JC Michea.
Il n'aurait pas été convenable de vous présenter mes voeux de nouvel an sans une note d'espoir quand à sortir non seulement de la crise économique mais encore morale dont les financiers et reponsables politiques offrent le spectacle. Meilleurs voeux pour 2009 donc. | |
LE POINT
-6 Septembre 2007- | "Sous l’influence de l’interprétation marxiste, on considère généralement la modernité comme le résultat « historiquement nécessaire » du développement de l’économie et des relations marchandes qui a caractérisé la fin du Moyen-âge et la Renaissance. C’est en grande partie une illusion rétrospective. Bien des civilisations, comme par exemple la Chine des Song, ont connu un essor comparable des processus marchands sans pour autant devenir « modernes » ou « capitalistes ». |
"... L’indifférence des démocraties à la cause espagnole lui fait adopter un temps une forme de pacifisme absolu, renvoyant dos à dos impérialisme, nazisme et stalinisme. Le pacte germano-soviétique puis l’entrée en guerre de l’Angleterre le rappelleront à son patriotisme et à son libéralisme originel. Il réalise alors que le socialisme de la common decency a partie liée avec la démocratie et le sentiment national. Il en est le dépassement et non la remise en cause. Ce constat l’amènera à écrire Le Lion et la Licorne, la tentative de définition la plus aboutie de son projet politique. Désignant ce que serait une révolution typiquement anglaise, il écrit : « Le gouvernement ne sera pas doctrinaire ni même logique. [...] Il restera fidèle à la tradition du compromis et demeurera persuadé que la loi est au-dessus de l’Etat. Il fera preuve d’une capacité à assimiler le passé qui stupéfiera les observateurs étrangers et les amènera parfois à se demander s’il y a eu une révolution en Angleterre. » ..." | "Le coeur de la philosophie libérale est, en effet, l’idée qu’un pouvoir politique ne peut assurer la coexistence pacifique des citoyens que s’il est idéologiquement neutre. Cela signifie que dans une société libérale toutes les manières de vivre ont une valeur philosophique égale et que la seule limite de la liberté des uns est la liberté des autres. Concrètement cela revient à dire que chaque individu est libre de vivre selon sa définition privée du bonheur ou de la morale (s’il en a une) dès lors qu’il ne nuit pas à la liberté d’autrui. Tout cela est très séduisant sur le papier. Le problème c’est que ce dernier critère - central dans toutes les constructions du libéralisme – devient très vite inapplicable dès lors que l’on veut s’en tenir à une stricte neutralité idéologique (et je rappelle que lors du procès de Nuremberg, les juristes libéraux refusaient la notion de « crime contre l’humanité » au prétexte qu’elle impliquait une représentation de la « dignité humaine » liée à des métaphysiques particulières, et donc incompatible avec la « neutralité axiologique » du droit). Comment par exemple trancher d’une façon strictement « technique » entre le droit des travailleurs à faire grève et celui des usagers à bénéficier du service public ? Comment trancher entre le droit à la caricature et celui du croyant au respect de sa religion ? Comment trancher entre le droit du berger à défendre l’agneau et celui de l’écologiste citadin à préférer le loup ? Dès lors que l’on entend traiter ces questions, multipliables à l’infini, sans prendre appui sur le moindre jugement philosophique (c’est-à-dire, aux yeux des libéraux sur des constructions idéologiques arbitraires) elles se révèlent insolubles. |
"Le concept orwellien de commune décence illustre à lui seul ce qu'on pourrait appeler une civilisation des moeurs en alternative radicale à la dissociété libérale. | "L’idéal orwellien, et socialiste, d’une société décente - c’est-à-dire d’une société égalitaire qui respecterait un certain nombre de valeurs morales élémentaires - s’oppose évidemment à l’approche purement juridique de la question sociale qui caractérise la démarche libérale. Chacun sait bien que l’égalité des droits est parfaitement compatible avec les inégalités de fait les plus indécentes. Mais ce primat philosophique de la common decency sur les impératifs formels du droit n’implique aucun mépris pour les garanties juridiques fondamentales. On peut tout à fait reconnaître le droit de chacun à défendre une opinion ou une manière de vivre particulières sans considérer pour autant que toutes les opinions et toutes les manières de vivre ont une valeur philosophique égale. Une société qui m’obligerait, par exemple, à avoir des enfants serait de toute évidence tyrannique. Mais je reconnais bien volontiers que ma décision personnelle de ne pas en avoir n’est pas universalisable sans contradiction. J’admets donc parfaitement, en même temps, que la société encourage, et privilégie sur le plan symbolique, des choix philosophiquement contraires aux miens, et qui sont effectivement plus conformes à la survie de l’humanité. C’est bien ce genre de dialectique qui permettait à Voltaire d’écrire à l’un de ses adversaires idéologiques persécuté par le pouvoir en place, que tout en étant en complet désaccord avec lui, il se battrait jusqu’au bout pour qu’il ait le droit de publier librement ses opinions." |
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