Le maoisme du rêve à la réalité - La Cause du Peuple à Bruay-en-Artois (1972).

Publié le par DAN

  En vieillissant les années de jeunesse prennent des couleurs plus vives et ce d'autant que la mémoire permet davantage de s'arranger de l'histoire réelle - ici une histoire peu ragoutante mais qui fut l'un des moments forts de l'action de ce groupuscule activiste et qui, bien plus que de longs discours, met en lumière un mépris de ce peuple et de l'idée qu'il se faisait de le "servir" - plutôt de l'asservir à de "nouvelles" élites dont ils admettront plus tard qu'elle était la petite bourgeoisie.
Ce n'est pas là non plus une grande idée; l'histoire du syndicalisme - dont on oublie une singularité substantielle, être né après l'échec et sans lien avec la Commune de Paris fut aussi une tentative d'échapper à l'emprise de la petite bourgeoisie - qui déjà accaparait les partis et bientôt s'épanouissait dans le service de l'Etat - et on devrait se rappeler, ce qui aujourd'hui semble une curiosité, la résistance à la "confédéralisation" des syndicats d'instituteurs.
C'est cette même singularité, cette étrangeté à leur monde, que les ouvriers de LIP allaient à nouveau administrer aux oligarchies politiques, même "renaissantes" - tant mieux si celà provoqua, accelera, l'auto-dissolution de la Cause du Peuple ou plutôt - et à travers "Libération" - l'affirmation au quotidien de son rôle pour le moins conservateur de leur essentiel, le monde bourgeois
En tout cas l'affaire de Bruay-en-Artois, tout comme la violence qui gagna Grenoble lors d'un procès de Gérard Nicoud, petit commerçant de la Tour du Pin et responsable du CIDUNATI, permettaient déjà de s'interroger sur les orientations politiques réelles, "néopoujadistes", de ces activistes; de même que l'amusante "clandestinité" de certains de ses responsables - à moins bien sûr que toute cette agitation ait permis à la bourgeoisie aux affaires de faire l'impasse sur des problèmes sociaux bien réels.
Il serait d'ailleurs vain et d'aucun intérêt de contester à nos maoistes d'avoir mis à genoux le marxisme, le communisme, d'ailleurs administrés par leurs semblables, leurs pères, leurs pairs encore. Sinon qu'ainsi était renouvelée une oeuvre d'abêtissement, Régis Debray parla plus tard de contre-révolution, le propos est encore flatteur pour une petite bourgeoisie qui fut de tous les totalistarismes du XX° siècle.
 

   


"Le jeudi 6 avril 1972, dans un terrain vague de Bruay-en-Artois, aux abords du coron de la fosse 4, on retrouve le cadavre de la jeune Brigitte Dewèvre. Cette affaire va vite prendre des proportions considérables. Elle est instruite par le juge Henri Pascal, le fameux juge Pascal, si enclin à communiquer les progrès de son enquête à une presse aussi nombreuse qu’avide. Il inculpe rapidement Maître Pierre Leroy, notaire à Bruay, puis sa compagne, Monique Béghin-Mayeur, dont la belle villa jouxte le terrain vague où a été retrouvée Brigitte. Cent jours après les faits, le notaire est libéré, le juge est dessaisi du dossier. Un jeune camarade de la victime, Jean-Pierre F., sera à son tour inculpé et écroué. L’affaire s’envenime alors : on parle de justice de classes. Un grand journaliste parisien écrira (anonymement) dans la Cause du Peuple, qu’un bourgeois tel que Pierre Leroy, qui mange des steaks d’une livre alors que les ouvriers crèvent de faim, ne peut qu’être l’assassin de Brigitte. Finalement, Leroy et Mayeur bénéficieront d’un non-lieu, et Jean-Pierre sera acquitté. Trente ans après les faits, l’affaire de Bruay n’a toujours pas de coupable. Si aucun élément nouveau ne survient, elle sera définitivement prescrite en 2004. Bruay-en-Artois a été rebaptisé Bruay-la-Buissière."
France Culture 1° Mai 2007

PAROLE DE MAO



 "La Cause du Peuple enfourche le cheval d'un fait divers crasseux, pour en faire l'outil d'une vaste campagne en faveur de la "justice populaire", et contre les mœurs sadiques des "cochons de bourgeois".
Le 6 avril, on découvre sur un terrain vague le corps mutilé d'une jeune fille des corons voisins, Brigitte Dewevre. Le cadavre repose près d'une haie donnant sur la propriété d'une femme de caractère, portant le nom d'une dynastie sucrière du nord, Monique Beghin-Mayeur. Elle couche, de notoriété publique,avec un notaire des Houillères, un homme corpulent, à la belle prestance, Pierre Leroy - figure du rotary-club local.
Le notaire a stationné longtemps, au volant de sa voiture, à proximité du terrain vague, à l'heure du crime.
Premier sur une longue liste de "petits juges" pressés, en mal de renommée, convaincus d'être les nouveaux héros d'un combat pour la justice, passant par quelques entorses aux règles...de la justice, le magistrat Henri Pascal part à l'attaque du notaire.
Grosse émotion dans les corons de Bruay. "Il n'y a qu'un bourgeois pour avoir fait ça...Il faut lui couper les couilles...Je le lierai derrière ma voiture et je roulerai à 100 à l'heure...Il faut le faire souffrir petit à petit...Qu'ils nous le donnent, nous le découperons morceau par morceau, au rasoir"...
"Et maintenant, ils massacrent nos enfants!", clame La Cause du Peuple, en Une, le 1er mai 1972, avant de reprendre, mot à mot, dans ses pages intérieures, sous le titre "Le crime de Bruay: il n'y a qu'un bourgeois pour avoir fait ça", les appels au lynchage de la population, bientôt canalisés par un Comité pour la Vérité et la Justice, animé par le bon Joseph, avec l'appui de la famille."

"Il fallut juste trois jours au grand Maurice Clavel, homme de haute taille et de haute espérance, de conviction mais aussi d'expérience, véritable intellectuel, cultivé, et vrai journaliste, pour faire le tour de l'affaire..."

A Bruay, Serge July joue un rôle pivot. Bouffi de vanité, sa fascination pour "tout ce qui brille", et le rêve de sa vie, qu'il finira par assouvir (coucher avec une belle actrice blonde, hiératique et sévère, ou avec une ministre du même parti...) l'entraîne à un flirt trop poussé, "collé collé", avec les stars de l'intelligentsia, du cinéma ou des media. Pris en flag, convaincu de narcissisme médiatique, il a été chassé du Comité Exécutif [de la Gauche Prolétarienne], et envoyé se rééduquer dans le nord. Il en bave. L'"affaire" lui donne, croit-il, l'occasion de rebondir. Il s'y jette. Mieux: il s'y vautre. Alimentant les journalistes de rumeurs, nourrissant le "livre blanc" du C.V.J., et chauffant, de son exil crasseux dans le froid (il circule en deux roues), la rédaction de La Cause du Peuple, il est au cœur d'une offensive contre le notaire, et l'austère bourgeoisie du nord, toute entière...qui s'effondre d'un seul coup avec les aveux du jeune Jean-Pierre, le petit ami de Brigitte!
On découvre chez ce jeune adolescent fragile les lunettes, brisées, de la jeune fille. La presse, en perfusion directe, déjà, avec les flics, ajoute, pour faire bonne mesure, la saisie d'une "hache ensanglantée" - aved laquelle la pauvre gamine aurait été mutilée, et dépecée, mais pas par le sadique bourgeois, où sa dure compagne...
Toute la campagne s'effondre...Elle va rebondir, avec le revirement du jeune , qui revient sur ses aveux - et qu'aucune preuve n'accable. Il a pu récupérer les lunettes, sur le terrain vague, en dernier souvenir de son aimée, martyrisée...La hache, il y en a une, comme dans toute maison du coron - et elle porte des traces de bois coupé, pas de sang, fût-ce celui d'un lapin...
Mais entre temps, le notaire et sa copine ont été mis hors de cause, La Cause du Peuple s'est ridiculisée, caricaturant le visage d'un mouvement mao rêvant de "Terreur" et de "justice du peuple" à prix cassé, et l'affaire s'enlise...
Il faudra qu'à la fin Maurice Clavel s'en mêle, prenne sous le bras son ami Jean-Claude Vernier, et demande à celui-ci de l'emmener faire une "tournée des popotes" à Bruay, trois jours, pour qu'on découvre que les maos, par la sottise et la paresse de Serge July, les motivations, troubles, de Tournel, et l'inconséquence d'un Benny Lévy aux abois, désespérément à l'affût de la première occasion venue de restaurer son prestige, et de se tirer du piège où le "grand chef" des maos reste enfermé, .."

 




 

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Publié dans Actuel

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T
La maoïsme est un léninisme à la chinoise. Le nouvel empereur de l'empire du milieu instrumentalisa la violence des gardes rouges pour récupérer son pouvoir, lors de la révolution culturelle. Il<br /> n'y avait aucune idéologie derrière la révolution culturelle, juste un théâtre d'ombres cachant des luttes féroces pour le pouvoir, entre tous les diadoques du régime chinois.
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